Texte signé conjointement par la Fédération des milieux documentaires et la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec
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Au cours des dernières semaines, plusieurs reportages[1], articles[2] et lettres ouvertes[3] ont fait état de coupes ou de gels budgétaires imposés aux bibliothèques de cégeps. La Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec (CBPQ) et la Fédération des milieux documentaires (FMD) s’inquiètent vivement de cette situation, qui a des impacts directs sur le nombre de leurs membres, spécialistes de l’information qui travaillent dans les établissements collégiaux.
À juste titre, les textes récemment publiés condamnent les restrictions financières dont sont victimes les bibliothèques. Ils mettent de l’avant une perte de la bibliodiversité, l’incidence négative sur la littératie des cégépien·ne·s, la baisse notable de revenus observés par les libraires, le manque de ressources pour les professeur·e·s. Cependant, on passait à côté de la conséquence la plus fondamentale de ces gels et coupes : dans les conditions actuelles, les bibliothèques collégiales ne peuvent tout simplement plus remplir adéquatement leur mission, qui est de soutenir l’enseignement, l’apprentissage et la réussite des étudiant·e·s.
Empêcher les bibliothèques d’acheter des livres (quelle triste antithèse!), c’est faire obstacle à l’un de leurs principaux mandats, soit de donner accès à l’information, au savoir et à la créativité humaine sous toutes ses formes. C’est aussi se priver de l’expertise des bibliothécaires et des technicien·ne·s en documentation, qui ne peuvent plus sélectionner et rendre disponibles les ouvrages qui seraient utiles à leurs publics. De surcroît, les mesures édictées par le gouvernement vont à l’encontre de la vision[4] définie pour les bibliothèques collégiales, qui est de contribuer au « déploiement du plein potentiel de tous et toutes dans leur communauté ». Elles se veulent des catalyseurs qui « créent des occasions de découvrir, d’explorer et d’apprendre ». Voilà la raison d’être des bibliothèques collégiales, et elle est mise à mal en ce moment.
Par ailleurs, les réductions budgétaires ne sont pas les seules contraintes avec lesquelles les bibliothèques collégiales doivent composer. Le ministère de l’Enseignement supérieur a également soumis chaque cégep à un quota d’heures de travail maximal pour toutes les catégories d’employé·e·s. Ce quota, qui n’est pas en adéquation avec les plans d’effectifs des collèges pour l’année 2024-2025, signifie en pratique que certaines institutions devront réduire le nombre d’heures travaillées par leur personnel. Cette obligation fera en sorte que des étudiant·e·s salarié·e·s, que des employé·e·s surnuméraires ou temporaires verront leurs horaires réduits ou leurs contrats non reconduits. Ainsi, les bibliothèques collégiales qui comptaient sur de telles aides pour maintenir leur offre et leurs heures d’ouverture ne pourront plus le faire. Encore une fois, cette décision gouvernementale entrave la capacité des bibliothèques collégiales à jouer pleinement leur rôle.
En conclusion, il nous semble nécessaire de rappeler que les bibliothèques sont LE service le plus utilisé par la communauté étudiante collégiale[5]. S’il faut reconnaître que toutes les unités et directions des cégeps sont touchées par les compressions actuelles, leur effet sur les bibliothèques affectera plus directement les collégien·ne·s. Est-ce vraiment une « saine gestion des finances publiques » que de compromettre l’éducation, l’apprentissage et la découverte chez 200 000 cégépien·ne·s?
[1] Voir les reportages d’Alexis Gacon pour Radio-Canada : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2123635/bibliotheques-cegeps-piteux-etat-coupes-budgetaires et https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/tout-terrain/segments/rattrapage/1929780/budgets-cegeps-victimes-coupes-budgetaires-reportage-alexis-gacon
[2] Voir le dossier de Zacharie Goudreault et Catherine Lalonde dans Le Devoir : https://www.ledevoir.com/societe/education/824809/regime-minceur-fait-perdre-livres-bibliotheques-collegiales, Les coupes dans les bibliothèques des cégeps ébranlent le marché du livre et https://www.ledevoir.com/lire/825069/cegep-faire-naitre-amour-livre-temps-ecrans
[3] Voir entre autres les lettre, chronique et éditorial suivants : https://www.ledevoir.com/opinion/idees/825288/idees-lettre-professeur-inquiet, https://www.lapresse.ca/dialogue/chroniques/2024-11-20/les-risques-de-l-abstraction.php et https://www.ledevoir.com/opinion/editoriaux/825169/editorial-tiroir-caisse-place-coeur
[4] Telle qu’énoncée par les bibliothèques collégiales elles-mêmes, voir https://rebicq.ca/vision-et-valeurs/
[5] Donnée tirée du Sondage sur la population étudiante des cégeps (SPEC), mené annuellement par la Fédération des cégeps.